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Les Secrets du Design Industriel dans les Jeux


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  • Le Proprio

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Nous avons eu la chance de pouvoir parler à l’artiste senior environnements et véhicules de Cloud Imperium Games, Matthew Johns. Matthew est un maître des environnements et des modèles 3D de haute qualité. Ses travaux sont toujours super détaillés, planifiés et incroyablement fonctionnels. Dans cette interview, il nous parle de son approche de la modélisation et de la texturation des éléments 3D pour les jeux ainsi que de la révolution du PBR, qui a changé la façon d’approcher la 3D dans la production de jeux vidéo.
 
Introduction
 
Je m'appelle Matthew Trevelyan Johns et j’ai la chance de travailler en tant qu’artiste principal “environnements et véhicules” dans l’industrie du jeu vidéo. Quand j’étais enfant, j’étais un joueur passionné et très intéressé par le domaine artistique. En grandissant, cette passion m’a amené à créer mes propres niveaux multijoueur pour le tout premier jeu Call Of Duty, sur PC. Je créais ces niveaux et les mettais en ligne pour que les autres joueurs en profitent. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je prenais davantage de plaisir dans la création de contenu pour jeu vidéo que dans le fait de jouer aux jeux eux-mêmes. À partir de ce moment, j’ai su que je voulais devenir développeur.
 
J’ai décidé d’aller à l’université de Portsmouth et, après avoir décroché une maîtrise en technologie des jeux informatiques, j’ai été très heureux d’entrer dans l’industrie du jeu vidéo, en décrochant un job chez TT Fusion. J’ai travaillé sur un total de sept titres majeurs en seulement cinq ans, mon projet préféré étant Lego City Undercover, dont le développement a duré quelques années, et pour lequel je tenais la fonction de directeur artistique en charge de l’environnement.
 
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Aujourd’hui je travaille comme artiste senior “environnements et véhicules” à Foundry 42 (Cloud Imperium Games). Ma fonction consiste à créer de nombreuses illustrations, et même la conception de grands espaces intérieurs ou de vaisseaux spatiaux compliqués. Mais la plupart du temps, je m’occupe de créer les parties temps réel finales que le joueur rencontrera en jeu. Cela comprend de nombreux domaines de développement, de la modélisation et de la création de textures / shaders, jusqu’à la configuration technique et l’éclairage - il y a beaucoup à faire, mais j’aime chaque minute que j’y consacre !
 
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Le design industriel dans les jeux
 
Travailler avec des objets qui ont un concept de base fortement industriel / mécanique est extrêmement intéressant pour moi et j’ai la chance de pouvoir travailler avec des collègues très talentueux, possédant une grande expérience dont je peux allègrement profiter. Mon approche a tendance à varier suivant la nature du modèle sur lequel je suis chargé de travailler, cependant il existe des étapes fondamentales que j’applique absolument à chaque fois que je travaille, et qui me semblent extrêmement profitables.
La première consiste à rassembler autant de références que possible et de toutes les cataloguer, au cas où une tâche prenne du temps, qu’il soit toujours facile de naviguer dans cette bibliothèque de référence en constante expansion. L’étape indispensable suivante est dite “blockout”, elle implique la création d’un maillage simple de blocs avant l’application de tout détail. Cela me permet de m’assurer que l’équilibrage et les proportions générales des assets (peu importe ce dont il s’agit) soit correct. Quand je suis satisfait de l’aspect du blockout et qu’il me semble bien équilibré, je commence alors à remplacer graduellement les éléments du maillage par des parties détaillées.
 
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L’étape fondamentale finale que j’applique sur chaque partie d’un travail que j’entreprends est de la critiquer. Je le fais à mon niveau personnel à intervalles réguliers, je mets mon travail en pause pour observer le sujet et je me pose vraiment la question : “cet élément a-t-il l’air bien ?”, “ces matériaux font-ils réalistes ?”, “le placement de cet élément a-t-il du sens ?” etc… Une fois que je suis satisfait de mon travail, je demande à certains de mes collègues d’en faire la critique aussi - une paire d’yeux supplémentaire (ou plusieurs) est souvent capable de suggérer des manières ou des améliorations que je n’aurais peut-être pas considérées par moi-même.
 
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Le travail sur le Gladiator
 
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Bien que, comparé à certains autres vaisseaux que contient Star Citizen, le Gladiator soit relativement petit, il représente quand même un véhicule de taille considérable quand on le compare à la plupart des véhicules du jeu. Il fait 22 mètres d’envergure, et 22 mètres de l’extrémité du nez jusqu’au bout de sa queue. Il est aussi extrêmement détaillé, avec des éléments mécaniques fonctionnels, un intérieur de cockpit entièrement modélisé, une soute à bombes et une charpente interne, modélisée également, qui se révèle quand la coque en métal est endommagée et se brise sous un feu nourri.
 
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Cette combinaison de la taille et du détail signifie que l’approche utilisée lors du mapping UV et de la création des shaders s’apparente beaucoup plus aux techniques que l’on emploierait si on travaillait sur un petit environnement. Le vaisseau utilise un shader maître qui comprend environ 25 sous-matériaux. Ces sous-matériaux comprennent, entre autres, un certain nombre de textures métalliques en carreau, ainsi que des matériaux pour les vitres intérieures et extérieures, un effet brillant lumineux et des décalcomanies pour le texte et les inscriptions sur les panneaux. La majorité de ces textures sont créées pour être affichées en mosaïque sur une grande zone d’un asset, avec des textures additionnelles “de garniture” qui s’affichent verticalement ou horizontalement - ces garnitures sont utilisées en support de la zone texturée en mosaïque et ajoutent plus de détails à l’ensemble. J’essaye de garder l’ensemble du mapping UV au minimum pour réduire le coût général en vertex de l’asset et j’utilise aussi un plugin appelé “textools”, pour 3D studio max, qui permet de contrôler le ratio de pixel par mètre très précisément, pour l’extérieur du Gladiator les matériaux sont placés en mosaïque à approximativement 512 pixels par mètre. Une fois que les assets sont bien mappés et que l’assignation des sous-matériaux a été faite, l’étape suivante est d’ajouter des lignes de jointure au sommet de la grande zone de métal en mosaïque, pour suggérer que l’asset a été construit à partir de multiples panneaux de métal. Quand je texture l’aile du Gladiator par exemple, je consulte ma référence de matériaux et je crée un arrangement de lignes de jointure, de petits panneaux d’accès, de ventilation, etc… tout cela en utilisant un decal shader très intelligent qui emploie le mapping d’occlusion de parallaxe afin d’ajouter un profond sentiment de réalisme à ce qui est, en fait, un ensemble de polygones plats.
 
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Un autre élément aux shaders, qui n’est apparent que lorsque vous jouez au jeu lui-même, c’est que les métaux de la coque externe sont capables d’être brûlés, roussis et arrachés, révélant un sous châssis métallique détaillé qui existe sous la coque externe. Les couleurs vertex peintes directement dans le maillage contrôlent le degré auquel ces dégâts affectent le shader, allant de subtiles marques de brûlures, jusqu’à des sections entières qui sont arrachées de l’objet.
 
Il va sans dire que sans le dur labeur et l’expertise de nombreuses personnes talentueuses à Cloud Imperium Games et à Foundry 42, faire des assets aussi complexes et (heureusement) aussi beaux que ne le sont les vaisseaux dans Star Citizen, ne serait tout simplement pas possible ! 
 
Travailler sur un objet complexe, qui possède un grand nombre de parties mobiles et mécaniques, représente toujours un défi pour un artiste 3D : dans le cas du Gladiator, le premier concept art a été réalisé par un artiste talentueux appelé David Hobbins. Il a réalisé l’apparence et le ressenti initial du vaisseau, avant qu’un autre grand artiste conceptuel, Andrew Ley further, n’affine sa conception. Il a eu l’idée que le siège du pilote et le siège du mitrailleur, à l’arrière, devaient s’abaisser d’eux-mêmes pour que le pilote puisse entrer. Il m’a fourni des styles de rendus, des schémas techniques et un maillage conceptuel 3D du vaisseau qui possédait déjà quelques animations brutes pour montrer les positions de départ et de fin des sièges. Cependant, c’était maintenant à moi de reprendre le maillage conceptuel pour le remodéliser et le retexturer entièrement. Tout en ajoutant une couche supplémentaire de parties mobiles et mécaniques pouvant être soigneusement logées à l’intérieur du vaisseau.
 
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Étant donné que le joueur peut se trouver assis dans le fauteuil quand il descend et se lève à l’intérieur du vaisseau, il était important pour moi de montrer physiquement le mécanisme d’animation tout autour. J’ai commencé à développer le mécanisme d’abaissement du siège et j’ajoutais rapidement des animations pour m’assurer que toutes les parties pouvaient fonctionner entre elles et abaisser le siège doucement, d’une façon visuellement intéressante. J’ai inclus une vidéo qui montre mon modèle 3D du Gladiator, avec le cockpit coupé sur la tranche pour que vous puissiez clairement voir comment l’animation fonctionne, ainsi que la façon dont toutes les parties mécaniques sont intégrées les unes aux autres, de façon intelligente, lors de la construction de l’intérieur du vaisseau.
 
 
Quand j‘étais satisfait, que la totalité de la séquence semblait bonne et que tous les modèles avaient du sens, le test d’animation que j’avais créé pendant la modélisation fut alors montré à notre équipe interne d’animation, qui affina, et réanima ma séquence en ajoutant de nombreuses couches supplémentaires, subtiles et abouties pour rendre l’animation aussi belle que possible.
Tout ce processus était très similaire pour la plupart des parties mobiles du vaisseau, les trains d'atterrissage inclus - toutes sont capables de se replier parfaitement sur elles-mêmes et de se loger physiquement dans l’espace intérieur du vaisseau. Ce fut un véritable défi !
 
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Concept Art et Modèle 3D : Rester fidèle à la vision
 
Quand on travaille sur un modèle pour Star Citizen, en particulier sur un vaisseau, il est toujours important de prendre en considération quel fabricant a construit ce dernier. Chaque fabricant a son propre style visuel distinctif et certaines similitudes de conception qui s’y rapportent. Je pense que c’est quelque chose de très important à comprendre quand je commence mon travail. Une collection de guides de styles qui détaille l’historique, les capacités technologiques, le langage des formes et les matériaux communs associés à chaque fabricant de vaisseaux me permettent de mieux comprendre et m’aident à m’assurer que mon travail sur un vaisseau en particulier puisse toujours conserver une certaine cohérence dans sa conception.
 
Autant, je dois m’assurer que les modèles 3D soient fonctionnels dans le jeu, autant je dois être certain que leur aspect visuel soit bon. Cela demande vraiment de faire preuve d’intelligence dans la façon de construire nos modèles. Modéliser en gardant à l’esprit un nombre de polygones raisonnables tout en s’employant à utiliser le mapping d’occlusion de parallaxe et une tessellation adaptative du maillage dans le cas où ce serait plus rentable que d’utiliser la modélisation par polygones habituelle, tout cela constitue une part très importante du travail.
 
La capture d’écran ci-dessous, montrant l’intérieur du propulseur arrière du Gladiator, est un bon exemple de l’utilisation de textures en mosaïque générées à partir d’un maillage en haute résolution et en combinaison avec le mapping d’occlusion de parallaxe, dans le but de représenter les détails tout en gardant des assets efficaces.
 
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Production d’environnements : avant et après le PBR
 
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En tant qu'artiste senior de l'environnement et des véhicules chez Foundry 42, j'ai heureusement pu travailler dans le domaine du Rendu Physique Réaliste (PBR) depuis un moment maintenant. Mais cet environnement était un de mes projets personnel, terminé il y a plus ou moins deux an et demi. Bien avant l’intégration du PBR dans le CryEngine.
Le Rendu Physique Réaliste (PBR) utilise essentiellement l’éclairage et le modèle d’ombre en conjonction avec des valeurs de surface mesurées pour un rendu précis et réaliste des matériaux. Ce que cela veut dire pour les artistes, c’est que nous pouvons définir une surface dite “métallique” en utilisant des valeurs mesurées (des données de texture ou des valeurs numériques) et ensuite, sans se soucier de la direction ou de l’intensité de la source de lumière, notre surface va réagir à celle-ci et aux ombres de manière appropriée pour offrir un rendu réaliste. Cependant, avant que le Rendu Physique Réaliste (PBR) ne devienne chose courante dans les jeux, les artistes étaient forcés de faire des essais et de se rapprocher suffisamment de ce à quoi le matériel devait ressembler en utilisant certaines astuces pour les aider à atteindre l’illusion du réalisme.
 
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Cette image montre une représentation d’un maillage avec de nombreux polygones utilisé pour créer la texture de briques de ce projet, ainsi que des exemples de la surface finale de la texture. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’à l’époque, avant le PBR, j’ai peint une sorte d’éclairage directionnel dans la texture diffuse (au milieu). Bien que ce soit subtil, l’ombrage doux rend la texture un peu plus réaliste sous la lumière utilisée dans mes rendus. Cela deviendrait complètement irréaliste sous une solution d’éclairage dynamique, où la lumière pourrait frapper le mur à partir d’un angle différent ou sous une intensité différente. Avec le PBR et un shader qui supporte l’auto-ombrage normal / occlusion de parallaxe, nous n’avons plus besoin d’inclure ce genre de “faux ombrage” dans nos textures.
Inutile de dire que, bien que le Rendu Physique Réaliste (PBR) ait apporté des nouveaux flux de travail à maîtriser par les artistes, il a réellement rendu la texture d’assets bien plus facile et créé un résultat bien plus réaliste.
 
Les outils du métier
 
J’ai tendance à essayer autant de nouveaux outils que je le peux, afin d’approfondir ma compréhension de la technologie, et dans l’espoir de rationaliser mon flux de travail autant que possible. Dans un environnement professionnel, l’aptitude à créer des assets de haute qualité est fantastique, mais l’aptitude à le faire de façon opportune, c’est encore mieux ! Je dirais que les outils essentiels dépendent en quelque sorte de la nature du projet. Cependant, bien sûr, un package 3D d’un certain type se place tout au-dessus de la liste. Ma préférence personnelle irait soit pour 3D Studio Max que j’utilise actuellement à Foundry 42 ; soit Maya, que j’ai utilisé pendant 5 ans environ. Les deux sont géniaux. Ensuite c’est certainement Photoshop, bien qu’il y ait de nouveaux outils pour créer des matériaux, Photoshop est le package original de texturation et il reste toujours mon arme de choix quand il s’agit de création d’éléments de conception graphique ou de mise au point de texture. Ensuite, un de mes préférés est Zbrush, bien que la plupart de mon studio travaille sur de la surface dure, j’ai récemment écrit un article sur la sculpture anatomique pour le magazine 3D World et j’ai utilisé Zbrush pour l’entièreté du projet - quand il s’agit de modélisation organique, Zbrush est ce qu’il y a de mieux à mon avis.
 
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Le point suivant sur mon top cinq des outils essentiels devrait être un moteur de jeu. Mon favori étant le CryEngine. Connaître comment faire le rendu d’un asset en temps réel tout comme connaître les limitations du rendu en temps réel c’est essentiel pour un artiste cherchant à faire ses premiers pas dans l’industrie du jeu vidéo. Pour terminer, bien que j’ai mentionné Photoshop comme faisant partie de mon pipeline de texturation, les nouveaux programmes de texturage procédural comme Substance Designer et Quixel Suite sont aussi devenus rapidement inestimables lors de la création de textures compliquées et de matériaux. Je conseille donc à quiconque ne les ayant jamais essayés de le faire !
 
La Puissance de CRYENGINE
 
Pour moi, CryEngine est un fantastique outil de développement, possédant de nombreuses fonctionnalités géniales. Parmi celles que j’ai personnellement utilisé et apprécié, il y a son système d’éclairage dynamique sur lequel travailler est vraiment agréable, et qui se targue même de fonctionnalités expérimentales comme le “Voxel-Based Global Illumination”. J’ai récemment créé un didacticiel pour 3D Total sur l’utilisation de ce système lors de l’éclairage d’une version “en temps réel” du canyon Antelope, un canyon désertique avec de magnifiques formations de rochers en cascade.
 
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Je pense que la robustesse du moteur d’éclairage de CryEngine ainsi que d’autres excellentes fonctionnalités comme l’éditeur de suivi de piste (trackview), l’éditeur graphique de flux (flowgraph) et l’éditeur de reflet - pour en nommer quelques unes - sont toutes de bonnes raisons pour que les artistes s'intéressent à l’apprentissage de cette technologie.
Concernant l’avenir, bien que je ne puisse pas parler des projets spécifiques pour le développement de CryEngine, j’ai été incroyablement impressionné par le nouveau système de génération procédurale de planètes qui a été développé pour Star Citizen. Je suis vraiment enthousiaste quant aux nouvelles opportunités de gameplay qu’il va créer. Avoir la possibilité de décoller d’une planète, de parcourir la galaxie et atterrir sur une autre planète, le tout sans chargement, ça m’a l’air d’être quelque chose que les joueurs ont toujours voulu pouvoir faire dans les jeux depuis très très longtemps.
 
 
Vous pouvez entrer en contact avec Matthew Johns (Cloud Imperium Games) sur Facebook, LinkedIn ou Twitter. Et n’oubliez pas aussi de vous abonner à sa chaîne YouTube. Et en plus, il a un chouette site web.
 
Traduit par Hawk, pour sc-t.fr
 
 

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